La Cour des comptes distribue les mauvais points

Politique
Outils
TAILLE DU TEXTE

Dans son rapport annuel présenté mercredi 8 février, la Cour des compte pointe du doigt la mauvaise gestion dans différentes politiques publiques. Parmi les sujets évoqués cette année, l’écotaxe poids lourds, le stationnement urbain, le projet Paris-Saclay ou Levallois-Perret et ses démembrements…

Le rapport public annuel de la Cour des comptes, présenté mercredi 8 février, dresse un constat sévère pour les finances publiques, estimant que les prévisions du gouvernement sur l’amélioration des comptes publics cette année "ne semblent pas très prudentes". "L’objectif de réduction du déficit de 2017 sera très difficile à atteindre", a fait valoir Didier Migaud, premier président de la Cour. Car si les progrès constatés depuis 2010 sont "réels", ils "demeurent fragiles", notamment parce qu’ils ont été soutenus par "des facteurs indépendants de la volonté des pouvoirs publics". Ainsi, "des efforts accrus de maîtrise des dépenses seront nécessaires pour que la France soit en situation de stabiliser puis de réduire son niveau de dette et de respecter la trajectoire sur laquelle se sont engagés les pouvoirs publics", affirme-t-il. Par ailleurs, il a listé plusieurs sujets de politiques publiques qui font l’objet de chapitres spécifiques du rapport. 

Ecotaxe : un "coûteux abandon"

Dans le viseur de la Cour cette année, figure notamment l’écotaxe poids-lourds, qui a subi "un échec stratégique [et] un abandon coûteux" en raison d’un "manque de constance dans la décision". Fin 2013, le Premier ministre décide, "dans le but d’apaiser les manifestations liées à la crise du secteur agroalimentaire breton", de suspendre la mise en œuvre de la taxe, qui a fait l’objet, deux ans plus tôt, d’un contrat de partenariat public-privé attribué à Ecomouv, rappelle Didier Migaud. Cette décision, "prise en l’absence de tout fondement juridique contractuel", a "marqué le début d’une période d’atermoiements au sein de l’Etat", observe le président. Au printemps 2014, choix est fait de recourir à un "projet alternatif", le "péage de transit poids lourds", qui a à son tour "pâti d’un manque de soutien politique et a été suspendu sine die par la ministre de l’Ecologie avant même sa mise en route". Résultat, une facture "de l’ordre du milliard d’euros" pour l’Etat, qui pourrait encore s’alourdir. "En définitive, l’abandon de l’écotaxe poids lourds empêche la France d’améliorer la couverture des coûts d’usage de son réseau routier. Pourtant, la Cour ne peut que constater que des instruments équivalents ont été mis en place avec succès dans plusieurs pays européens", note Didier Migaud, soulignant que cette écotaxe avait votée "à la quasi-unanimité par le Parlement". Qualifiant cet abandon de "gâchis", la Cour "ne peut qu’inviter l’Etat à mieux anticiper, évaluer et gérer les risques inhérents à tout projet de réforme dans un secteur sensible comme celui des transports", écrit-elle. En réponse, le Premier ministre assure que le bilan financier "n’est pas si défavorable pour les finances publiques, contrairement à ce que la Cour laisse entendre". A la Cour qui regrettait que "le projet laisse à la charge de l’Etat plusieurs centaines de milliers d’équipements inutiles", il oppose que "plusieurs régions ont fait savoir qu’elles envisageaient d’utiliser certains équipements implantés sur leur territoire".

Incohérences sur le stationnement urbain 

Autre sujet abordé par la Cour, le stationnement urbain. Sa régulation par les collectivités territoriales, de même que celle de la circulation des véhicules, est "le chaînon manquant des politiques locales de mobilité", indique Didier Migaud. En cause selon la Cour, "l’incohérence de la répartition des compétences entre les communes et les structures intercommunales, qui entraîne une incohérence dans l’action". Car "si la gestion de la voirie et des parcs de stationnement peut être transférée [aux EPCI], le pouvoir de police de la circulation reste de la compétence des maires". Le rapport préconise que l’Etat fasse "évoluer les dispositions du code général des collectivités territoriales de manière à prévoir un transfert des pouvoirs de police et du contrôle du stationnement vers les autorités organisatrices de la mobilité". A ces dernières, les magistrats recommandent de veiller à ce que les PDU soient plus prescriptifs, et de constituer "des observatoires du stationnement urbain réunissant tous les acteurs concernés afin de collationner et d’évaluer l’ensemble des données (connaissance de l’offre, enquêtes sur les besoins, coûts et recettes liés au stationnement urbain,  estimation des nuisances liées au trafic automobile) nécessaires à la conception des stratégies locales en la matière". Enfin, ils appellent les communes à "conduire de façon déterminée, et constante dans la durée, les opérations de contrôle du stationnement sur la voirie"

Le "pilotage défaillant" de Paris-Saclay

La Cour s’est également penchée sur plusieurs sujets franciliens. Selon elle, la réussite du pôle scientifique et technologique de Paris-Saclay, pour lequel l’Etat a programmé à ce jour près de 5,3 Md€, suppose de réunir trois conditions cumulatives : une organisation universitaire et scientifique capable de mettre en œuvre une stratégie globale, un campus urbain desservi par des moyens de transport adéquats, disposant des logements et des équipements nécessaires, et enfin une gouvernance globale forte, à même de surmonter les oppositions. Or, note-t-elle,  "le pilotage du projet apparaît défaillant, alors que celui-ci rassemble une multiplicité d’acteurs publics et privés dont les compétences, les périmètres, les moyens et parfois les intérêts sont différents, voire divergent. Aucune structure ne permet de piloter globalement le projet pour assurer la cohérence de ses trois volets". Le 'campus urbain’ risque ainsi de voir son attractivité limitée par l’insuffisance des transports collectifs et le déficit de logements étudiants. En effet, alors que le plateau de Saclay doit accueillir près de 54 000 étudiants d’ici 2020, les besoins de places en résidences étudiantes, évaluées à près de 8 000 lits, ne seront pas couverts par les programmes en cours et à lancer (environ 6 000 lits). Dès 2018, indique la Cour,  "plus de 2 100 étudiants devront se loger hors du campus", alors même que "le déficit en transports collectifs est préoccupant", la ligne 18 du GPE, desserte structurante du projet, ne devant entrer en service qu’en 2024. Les Sages recommandent de désigner un responsable interministériel du projet de Paris-Saclay à même de coordonner l’action de l’Etat sur ce projet, et doter l’EPAPS "d’une organisation et des outils de gestion lui permettant d’assurer l’exercice de ses missions de manière fiable".

Levallois-Perret épinglée

La commune de Levallois-Perret, plusieurs fois mentionnée ces dernières années par la chambre régionale des comptes d’Ile-de-France, se voit cette fois-ci épinglée par le rapport annuel de la Cour. En cause, les relations que la Ville entretient avec la Semarelp, SEM locale dont la ville est l’actionnaire majoritaire, et le poids de plusieurs associations locales fortement dépendantes des subventions municipales. Les Sages de la rue Cambon relèvent ainsi le niveau élevé des avances consenties à la Semarelp pour mener à bien les opérations d’aménagement, duquel résulte "un risque sérieux pour les finances communales si l’équilibre économique de celles-ci n’est pas obtenu". De même, les subventions aux associations para-municipales représentent une part significative du budget de fonctionnement de la Ville, d’ailleurs complétée par la mise à disposition d’importants moyens matériels et humains. Ces liens, la Cour les juge "inégalement formalisés" et ne donnant pas lieu à "une information exhaustive à l’assemblée délibérante, l’empêchant d’exercer pleinement son rôle de contrôle". Ces lacunes concernent notamment le niveau des rémunérations et des avantages en nature perçus par les élus administrateurs de la Semarelp, le bilan des cessions et des acquisitions réalisées ou encore le recensement des engagements hors bilan pris par la Ville. Enfin, les relations de la commune avec ses démembrements sont incertaines au regard des principes de la commande publique. La Cour recommande de mettre fin à ce "démembrement excessif". Le maire (LR) de Levallois-Perret, Patrick Balkany, estime dans sa réponse que si certains aspects de l’information financière et comptable peuvent être améliorés, les manquements qui sont relevés ne sont "nullement significatifs", et "justifiés".

Disponible à la vente

Traits Urbains n°130/131 vient de paraître !

Couv TU129 250 002