Loi Elan : Christophe Bouillon explique les "trois points de vigilance" de l'APVF

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Christophe Bouillon, député Nouvelle Gauche de la Seine-Maritime et maire honoraire de Canteleu, dans la métropole rouennaise, a été élu président de l’Association des petites villes de France (APVF), le 10 avril. Il explique quelle sera la stratégie de l’association pour défendre ses adhérentes, à l’heure où plusieurs sujets touchant aux collectivités et à l’aménagement sont mis sur la table par le gouvernement, comme le projet de loi Elan (Evolution du logement, de l’aménagement et du numérique), actuellement en discussion au Parlement. 

 

Vous venez de prendre la tête de l’APVF. Pourtant vous êtes député. Comment comptez-vous peser ?

Il nous a semblé important de garder un lien fort avec le Parlement, tout en respectant, bien sûr, la loi sur le non-cumul. Je suis ancien maire aujourd’hui député, et Pierre Jarlier, le président délégué, est ancien sénateur, et maire de Saint-Flour. L’idée est de se donner toutes les chances de peser sur la fabrication des lois. Et nous sommes présents dans plusieurs groupes politiques et plusieurs commissions. L’APVF doit continuer d’être une association de proposition, non-partisane, sur tous les sujets qui concernent les petites villes. Et ils sont nombreux, parce que notre strate est composée aussi bien de communes faisant partie de métropoles, comme la mienne, que de villes-centres de territoires ruraux. 

Ces différents types de villes n’ont-elles pas, justement, des intérêts divergents ?

Au contraire, cette diversité est une richesse. Il y a des thématiques communes. Sur la question du logement par exemple, on a des situations très diverses : des villes en tension, d’autres qui se dépeuplent. On a des villes en rénovation urbaine et d’autres avec une problématique de centre-ville en difficulté. Ça nous permet de traiter les questions sous tous les angles. C’est une force. 

L’actualité législative c’est, entre autres, la loi Elan. Y a-t-il des points de désaccord avec le texte présenté par le gouvernement ?

Globalement le projet de loi va dans le bon sens. Mais nous avons trois points de vigilance. D’abord, le dispositif des Opérations de revitalisation des territoires (ORT) nous parait très intéressant mais on craint qu’il ne soit réservé aux 222 communes du plan "Action cœur de ville". D’autant que les fonds annoncés pour les ORT correspondent aux montants du plan… Si c’est la même chose, il faut le dire. Et ce serait dommage que des villes qui ont des difficultés sur leur centre-ville, et une volonté d’agir, soient exclues du dispositif. Sur le plan lui-même, je dis bravo au gouvernement d’avoir pris la thématique des centres-villes en difficulté au sérieux, mais nous avons un problème d’opacité des critères : nous ne savons pas ce qui a guidé le choix des préfets pour sélectionner les villes admises. Or il y a des trous dans la raquette. Je citerai deux exemples : Joigny (89), qui a perdu une caserne et a des difficultés à faire vivre son centre-ville, et Saint-Flour (15), avec des problématiques différentes. 

Quels sont les deux autres points de vigilance sur le projet de loi ?

Une inquiétude sur les permis de construire, dont nous voulons qu’ils restent la prérogative des maires, et non de l’EPCI. Ce n’est pas, pour moi, incompatible avec la logique du PLU intercommunal, qui met de la cohérence. L’autre porte sur les pouvoirs de police des maires en matière d’habitat indigne [le projet de loi prévoit de simplifier le droit par ordonnance] : là aussi le maire est au plus près du terrain, il serait dommage de l’évincer de la prise de décisions. 

En matière de fiscalité locale, quelle position va porter l’APVF ?

Nous sommes plus ou moins sur la même longueur d’onde que le Comité des finances locales (CFL). Nous sommes inquiets du recul de l’autonomie fiscale des collectivités. La refonte de la fiscalité locale que nous appelons de nos vœux doit aller plus loin que le simple transfert d’une part d’un impôt national. Il faut créer un impôt local citoyen, en remplacement de plusieurs prélèvements existants. Il le faut parce que nous avons besoin qu’il existe un lien entre les politiques menées à l’échelle locale et les taxes. C’est primordial pour maintenir le consentement à l’impôt. 

Quel est votre point de vue sur la réforme ferroviaire ?

Sur tous les chantiers ouverts par l’exécutif, on a répondu présents. Les Assises nationales de la mobilité ont été un formidable moment de remise à plat des enjeux. On a applaudi parce qu’on s’est dit "on va avoir une vision globale des mobilités", avec la couverture de tout le territoire par des autorités organisatrices, notamment. Et patatras, le gouvernement a inversé le calendrier et mis la réforme du rail en premier [les discussions sur la loi d’orientation sur les mobilités ont été repoussées à l’automne].

Et sur l’avenir des petites lignes ?

Les petites lignes sont dans le collimateur de Bercy depuis longtemps. Le seul critère pour l’administration, c’est la rentabilité. Nous voulons introduire deux notions dans le débat sur le réseau ferré : celui de l’aménagement du territoire et celui de l’égalité territoriale. A partir de là, ce n’est pas tant la fréquentation actuelle qu’il faut regarder pour savoir si une ligne doit être préservée, mais plutôt l’existence ou non d’alternatives. Si les routes sont congestionnées, ce serait une erreur de fermer telle ou telle ligne. On peut travailler sur l’amélioration de la qualité de service, pour attirer des usagers. Nous avons besoin, comme le dit le rapport Spinetta, d’avoir toutes les données sur chaque ligne avant de prendre la décision. Et évidemment il faut anticiper sur les projets d’aménagement. Certes, la loi ne les supprime pas aujourd’hui, ces petites lignes, mais elle les sauve pas non plus. Ce qui nourrit le doute, c’est le manque d’information.

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