L'accueil des réfugiés : une culture à acquérir

Lors de la conférence sur "la prise en compte des réfugiés dans l’aménagement du territoire", organisée par le Caue 93 le 29 juin, deux opérations ont été présentées : le camp humanitaire de premier accueil de la porte de la Chapelle, à Paris 18e, et le Centre d’hébergement d’urgence (CHU) d’Ivry-sur-Seine (94).

Seulement deux mois ont été nécessaires pour construire le centre du nord-parisien, qui peut accueillir 400 personnes. Julien Beller, l’architecte mandataire du projet, dit avoir "exploré des formes peu classiques en France" pour ce dispositif amené à être déménagé régulièrement. L’innovation naît de la commande et de la contrainte selon lui : il faut "réinventer un mode de fabrique de la ville" et avancer vers une "culture de l’accueil des primo-arrivants". Le pôle accueil a été installé sous une structure gonflable de 800 m2 (conçue par Hans-Walter Müller), "seul moyen de construire vite". Des trois parties du site, la bulle est la seule soumise aux contraintes des ERP (Etablissement accueillant du public). En conséquence de quoi, des mesures compensatoires et des dérogations ont dû être demandées pour l’aménager.
Julien Beller admet que la gestion des flux de personnes est loin d’être efficace : le sas est encombré et la capacité d’accueil est insuffisante. Le projet ne fonctionne pas très bien car "plus de 1 000 personnes s’agglutinent à l’entrée et vivent dans des conditions misérables". A l’extérieur, les prétendants peuvent attendre plusieurs semaines dehors. Ces difficultés découlent de la "gestion de responsabilité civile" qu’implique la privatisation de la parcelle. Il aurait voulu "faire en sorte qu’il y ait un moyen d’abriter la file d’attente". Ensuite, la partie hébergement (chambres/WC/douches) a été installée dans une ancienne halle ferroviaire : "le premier geste a été de [la] sécuriser" (mise aux normes incendie surtout). Julien Beller regrette d’avoir investi un espace déjà construit, car les contraintes ont été plus fortes que les bénéfices. 

Le coût nécessaire à la réalisation de ce projet s’est élevé à 5,7 M€.

Le CHU d’Ivry-sur-Seine a été construit dans la même urgence que le centre du 18e arrondissement. Cependant, Valentine Guichardaz-Versini, architecte mandataire, insiste sur les différences entre les deux projets : "les programmes ne sont pas si similaires puisque que le CHU n’accueille pas les mêmes publics et pas pour les mêmes durées". A Ivry, les 400 personnes accueillies sont des femmes, enceintes parfois, des familles et des couples. La présentation n’est pas spontanée - les personnes sont orientées vers ce dispositif -, et l’hébergement peut durer de deux à six mois, contre une dizaine de jours pour les réfugiés de la porte de la Chapelle. 
Le dispositif, imaginé comme une plateforme de 4 800 m2 sur pilotis, au-dessus des bassins filtrants de l’ancienne usine des Eaux de Paris, est séparé en deux. Une partie est réservée aux familles, elle-même séparée en trois rues pouvant accueillir chacune 77 personnes, une autre aux couples et femmes isolées. "La question de la pudeur et du cocon" a été très importante pour l’architecte au regard des populations hébergées ; les chambres modulables de 12 à 40 m2 sont adaptées et adaptables selon les besoins des résidents. L’appropriation de ce lieu s’est réalisée au grand bonheur de l’architecte, fière de montrer des murs peinturlurés par des mains d’enfants. Coût : 11,5 M€.

 

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