Urbanisme transitoire : à Montréal, la Pépinière veut rendre la ville aux citoyens

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En quatre ans, la Pépinière s’est imposée sur le marché de l’urbanisme transitoire montréalais. Cet organisme à but non lucratif (OBNL), qui entend "renforcer la vie en communauté en favorisant l’implication collective", crée et gère des espaces de rencontre, pour rendre la ville "plus humaine". Avec un postulat simple : "l’espace public appartient à tout le monde", résume Jérôme Glad, co-fondateur.

Le placemaking, encore timide en France, n’a plus de secret – ou presque – pour les équipes de la Pépinière. Cette manière de fabriquer la ville avec les habitants, constitue l’assise de tout projet. Car le but, et Jérôme Glad insiste, n’est pas "de créer des ovnis" : transformer de grands délaissés urbains en parc festif pour hipsters n’est pas une idée fixe. "Nous travaillons avec des ambassadeurs locaux pour définir les besoins de tel quartier".

De l’événementiel aux projets de situation

Succès garanti. Comme en témoigne le "village au Pied-du-Courant", espace festif lancé en 2015, et devenu un incontournable estival pour les Montréalais. Il s’agit du sujet phare du "Laboratoire urbain" de la Pépinière, qui, à travers cette formule, se place en tant que "promoteur de nos propres projets". L’organisme fait généralement pousser ce type d’endroits sur des sites appartenant au gouvernement (du Canada ou du Québec), et non à la ville de Montréal. Dans ce cas, celle-ci n’a pas ou peu de droit de regard. Ce qui veut dire, "plus de libertés certes, mais moins de financement", précise Jérôme Glad. En outre, "nous disposons d’assez peu de programmes de subvention". Autre avantage, et non des moindres, à s’installer sur un terrain gouvernemental : l’exemption de loyer. Pour ce faire, "nous adressons une lettre type au ministre des Transports", dans laquelle il est rappelé que "nous créons de la valeur collective sur le domaine public sans créer de profits". La démarche est simple, nul besoin de ferrailler.


Les projets "Milieux de vie" émanent, en revanche, de la ville, pour "réaménager telle place publique, avec tel budget". Une commande politique, façon "carte postale", que la Pépinière transforme pour coller au plus près des envies des citoyens. Ou comment "agir comme un maillon" pour traduire le top down grâce à l’implication collective. Dans le cadre de son initiative "rues piétonnes et partagée", la ville finance le transitoire pendant deux ans. La troisième année fait place à un projet plus permanent issu d’appels d’offres, parfois réalisés à coups de "plans 3D et de matériaux plus froids". Et Jérôme Glad de donner l’exemple d’une rue, qui, après le transitoire, avait perdu sa dynamique, son "côté vivant". "La ville nous a alors rappelé pour y réintégrer de l’humain". D’où la nécessité de "créer une permanence" sur certains sites.

C’est tout l’intérêt de faire appel aux structures telles que la Pépinière. Montréal possède une profonde culture de l’événement, "mais derrière des clôtures, avec des accès limités, et dans des quartiers où les gens ne vivent pas forcément", estime Jérôme Glad. Les projets plus ouverts des OBNL spécialisés ont fait leurs preuves. "Nous avons créé un élan, un précédent, aux côtés d’une ville pro-active", qui passe progressivement d’une culture de l’événementiel à une culture de situation. Jérôme se réjouit du lâcher prise des administrations. L’été dernier, la ville a intégré dans son Plan d’action en patrimoine la notion "d’urbanisme transitoire". "Avant, nous utilisions le terme 'éphémère’ pour ne pas effrayer les administrations", se souvient Jérôme. Avec le "transitoire", "nos projets s’insèrent dans la programmation urbaine, les dimensions inclusive et humaine ressortent", sans pour autant constituer une finalité.

Rien n’est acquis

Des freins restent à lever pour que les citoyens se réapproprient pleinement leur ville. Trois surtout, identifie notre interlocuteur. "Le manque de structures support, pour le financement, l’accompagnement…" : puisque "nous ne rentrons dans aucune case", les démarches administratives (responsabilité civile, assurance, etc.) peuvent s’avérer complexes.
Ensuite, la "réglementation est encore trop rigide", et "les pouvoirs publics ne font pas toujours confiance aux organismes locaux". Ils vont faire appel à la Pépinière, ou équivalent, alors que d’autres structures de quartiers, certes plus petites, seraient plus à même de (re)faire la ville. A ce titre, la Pépinière développe un "Soutien aux communautés", sa troisième activité.

Sans entrer dans l’activisme ou le lobbying acharné, la Pépinière entend bien sensibiliser les foules. Les équipes, qui déménagent prochainement dans un bâtiment vide – et privé cette fois-ci -, ambitionnent de lancer un cycle de conférences pour faire rayonner toutes ces valeurs urbano-citoyennes. Avec, à la clé, une programmation quatre saisons.

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