Rencontre de la Fnau : à la recherche de futurs heureux

Stratégies urbaines
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Des débats animés enrichis d’un "chat" vivace : la 41ème Rencontre de la Fnau (Fédération nationale des agences d’urbanisme), a réussi sa mue 100% numérique, les 1er et 2 décembre, à l’invitation de l’ADEUPa, l’agence d’urbanisme Brest-Bretagne. Si l’injonction "Explorons nos futurs (heureux)" pouvait sembler d’un optimisme excessif, les pistes tracées ont fortement incité agences, élus et acteurs pluriels à se (re)connecter, dans un télescopage d’échelles et de pratiques. Extraits.

L’action locale a beaucoup interrogé durant ces deux jours. Pour Jean-Marc Offner, directeur général de l’a-urba (agence d’urbanisme de Bordeaux-Aquitaine), président du conseil stratégique de l’Ecole urbaine de Sciences Po et de la plateforme de recherche Popsu, "l’addition d’actions micro-locales ne fait pas un changement de modèle. C’est vrai pour les déplacements mais aussi pour l’agriculture ou la biodiversité". La stratégie du colibri ("je fais ma part") est "tout à fait respectable individuellement, plus contestable collectivement", comme lorsque "sans vergogne, des maires des villes centre proposent à leurs habitants de faire du vélo tout en sachant que l’essentiel des émissions de gaz à effet de serre se passe à l’échelle de l’aire urbaine".

Cette question des échelles est structurante, comme celle de la division des compétences. Jean-Marc Offner, encore : "les enjeux ne respectent pas la répartition des compétences ni les poupées russes de la planification. Nous sommes dans un monde multi-scalaire, mais aussi de télescopage des échelles". Il s’interroge aussi sur la valeur accordée à la proximité – valeur qui était plutôt "réservée aux extrêmes". Car "il y a pour moi deux pièges à éviter : le localisme exacerbé, et ces périmètres qui continuent à organiser nos cerveaux spatiaux". En revanche, il faut "profiter de cette appétence pour le local pour mobiliser, pour s’ouvrir. Le local peut servir de tremplin, avec un mouvement de reconnexion au monde, et donner à voir les liens de la solidarité, l’identité étant alors une façon de s’adresser aux autres". Il prône donc "une gouvernance multi-niveaux avec un télescopage de débats : organiser les voisinages, voir dans quel espace on va pouvoir négocier des compromis, avec qui on a envie de faire un bout de chemin". Et il avertit : "si l’action politique ne sait pas se réorganiser, le marché le fera".

Interconnecter, accompagner, co-décider

Les agences d’urbanisme sont outillées intellectuellement pour accompagner un tel changement, soutient le directeur général de l’a-urba, mais "cela implique un investissement méthodologique extrêmement fort", alors une nous traversons une période de "relativisation généralisée de l’expertise". Jérôme Baratier, directeur de l’ATU (agence d’urbanisme de l’agglomération de Tours), trace deux pistes pour les agences : "une mission de mise en visibilité et de mise en système (l’animation, la traduction, la mise à l’agenda…) ; mais aussi une mission d’acteurs de la transformation, en investissant dans des champs d’étude nouveaux". Pour exemple la mission Résonance, ambitieux travail mené par l’agence tourangelle pour comprendre, en pleine crise sanitaire, les réactions et potentiels de résilience des territoires et de leurs acteurs, dans toute leur diversité : gardien d’immeuble, directeur des services d’université, couturière… plus de 70 entretiens semi-directifs ont donné à voir des pratiques qui, "si elles ne changent pas le modèle, redistribuent les capacités d’action". Des services sont ainsi passés "d’une logique de guichet à une logique d’immersion" ; la  sédentarité forcée a réinterrogé les questions du réancrage et de la connexion. Des "figures" sont apparues : "les travailleurs sans contact, les cellules de crise, les héros bricoleurs mettant en œuvre des agilités collaboratives… Ces acteurs, il faut les interconnecter".

L’enthousiasme pour la recherche de solutions ne mène pas à la béatitude. Frédérique Bonnard – Le Floch, vice-présidente de Brest Métropole, s’indigne même de "l’injonction à avoir un futur heureux. Je ne suis pas chief happiness officer d’une micro-startup nation. Mon rôle est de ne laisser tomber personne et de continuer à faire société même quand c’est difficile et que les gens ne sont pas heureux". Et "si nous sommes résilients, c’est précisément parce que nous faisons avec les réalités des territoires. Ici à Brest, nous sommes coopérants parce que c’est notre histoire, notre assurance-vie…". Patrice Vergriete, maire de Dunkerque et président de la Communauté urbaine, président de France Ville Durable, veut lui voir un "futur heureux durable". Mais "on doit le faire dans un cadre démocratique, en embarquant tout le monde, avec une vision partagée des objectifs et de la manière d’y arriver", voire "une co-décision avec la population".

Oser faire confiance à ses partenaires

"La démocratie participative demande une sincérité", ajoute le président de la Fnau, Jean Rottner, président de la Région Grand Est et figure de la mobilisation des territoires face à la crise sanitaire. "Il faut savoir lâcher prise, un peu partager de son pouvoir, être en capacité d’accepter l’échec, d’envisager que la politique que l’on mène ne soit pas forcément celle décidée dès le départ mais qu’elle puisse évoluer". Pour l’élu, la transition demandera de "savoir oser faire confiance à ses partenaires, pour construire des relations différentes, sur des périmètres qui viennent peut-être bouleverser nos habitudes de travail, et se projeter dans un monde différent". La crise sanitaire en a apporté la démonstration : "on a su se défaire des normes, des contraintes, tout en respectant un cadre fixé par l’Etat". Et de citer avec ironie les Sraddet (schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires) : "1600 pages parfois d’emmerdements réglementaires, un document certes structurant pour nos feuilles de route… mais on aurait pu aller plus vite, plus loin".

Devant Emmanuelle Wargon, Jean Rottner insiste : "l’Etat n’a rien à craindre à s’appuyer sur les collectivités. Nous ne devons pas être simplement dans l’attente de compétences transférées mais offreurs de propositions pour l’Etat". Message reçu par la ministre déléguée auprès de la ministre de la Transition écologique, chargée du Logement – avec laquelle la Fnau a renouvelé son partenariat : "pour répondre aux enjeux qui nous sont posés et notamment à la tension entre long terme et urgence à agir, les collectivités n’ont pas de raison d’attendre l’Etat et l’Etat n’a pas de raison d’arriver en imposant sa vision. Les enjeux écologiques sont des objectifs dont nous sommes comptables nationalement et localement".

Séances plénières et ateliers sont à retrouver en replay pendant un an via : Accueil | FNAU 41 – Le 1 et 2 décembre 2020

 

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Traits Urbains n°130/131 vient de paraître !

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