L’article 52 du projet de loi de finances, qui oblige les bailleurs sociaux à baisser leurs loyers pour compenser la diminution des APL, a été amendé par les députés, sur proposition du gouvernement. Mais malgré cette concession, la filière du bâtiment, emmenée par l’USH, continue de faire bloc pour s’opposer à cette mesure, qu’elle juge économiquement dangereuse pour le secteur.
L’Assemblée nationale a adopté, vendredi 3 novembre, les crédits de la mission "Cohésion des territoires", en baisse de près de 10 %, passant de 18,3 Md€ en 2017 à 16,5 Md€ l’an prochain. L’article 52 du projet de loi de finances, portant "réforme des aides au logement et de la politique des loyers dans le parc social", a cristallisé les débats et a finalement été amendé, sur proposition du gouvernement. Ainsi, la "réduction de loyer de solidarité" imposée aux bailleurs sociaux pour compenser la baisse des APL (à hauteur de 1,7 Md€) sera étalée sur trois ans (800 M€ en 2018, 1,2 Md€ en 2019, puis 1,5 Md€ à compter de 2020). Malgré cette concession, le monde HLM ne décolère pas.
Les grandes organisations du bâtiment s’inquiètent aussi
Car l’amendement prévoit également "la possibilité de moduler plus fortement la cotisation prélevée par la CGLLS, afin d’en affecter une fraction au Fnal". Ce qui permettrait à l’Etat, dès 2018, de réduire les crédits qu’il accorde à ce fonds, et donc obtenir finalement la baisse d’1,5 Md€ escomptée au départ. "On passe de la guillotine au garrot", commente Jean-Louis Dumont, président de l’Union sociale pour l’habitat. Pour Frédéric Paul, directeur général de l’USH, il ne s’agit de rien d’autre qu’un "tour de passe-passe", puisque "le vote de l’article 52 ne change rien quant aux conséquences de la mesure qui consiste à prélever 1,5 Md€ au moins sur les ressources" des organismes HLM.
Ce mardi 7 novembre, l’Union sociale pour l’habitat a ainsi convié la presse pour dénoncer les "conséquences économiques" des dispositions du volet logement du PLF, en présence des grandes organisations du secteur du bâtiment (FFB, Capeb, Cinov et Untec), invitées à faire part elles aussi de leurs inquiétudes. "Même si l’arrêt de l’investissement [du monde HLM] n’est que partiel, il aura des conséquences lourdes", rappelle ainsi Jacques Chanut, président de la FFB, qui estime sa fédération "légitime à tirer la sonnette d’alarme". De son côté, Dominique Métayer, vice-président de la Capeb, recommande de "ne pas mettre en péril la légère amélioration" perceptible sur le marché des emplois, tandis que Dominique Sutra del Galy, président du Cinov, souligne que "réduire les capacités d’innovation des organismes HLM serait réduire [celles] du secteur de la construction".
"La question est très loin d’être réglée", selon l’USH
Selon l’USH, "plus de 146 000 emplois" sont menacés par les mesures budgétaires. Sur le terrain, certains bailleurs ont adressé des courriers à leurs locataires, d’autres ont annoncé suspendre des projets. "Cette méthode pour soi-disant mettre la pression n’est pas digne", gare au "chantage aux travaux", prévient Jacques Chanut.
"Ne prenons pas en otage les artisans et les entreprises du bâtiment". Certes, mais "que va-t-il se passer ?", s’interroge Pascal Asselin, président de l’Untec, qui dénonce "un projet de loi comptable" qui "n’est pas une réforme". "C’est quoi le coup d’après ? Aujourd’hui on ne sait pas trop." Les suites du bras de fer gouvernement / monde HLM paraissent encore incertaines, justement. Frédéric Paul répète que le mouvement est "dans un état d’esprit de recherche de solutions, d’ouverture d’esprit", à condition que rien ne se fasse "au prix d’une dégradation de l’outil de production". "On espère que la voix de la raison va parler", indique Marianne Louis, secrétaire générale de l’USH, satisfaite de voir que "la prise de conscience de l’impact de l’article 52 est portée dans l’ensemble des champs" (locataires, collectivités locales, secteur de la construction).
Et l’USH continue de marteler que les compensations proposées sont insuffisantes et accuse le gouvernement de "confondre gains de trésorerie et économies". "La question est très loin d’être réglée", regrette Frédéric Paul.
Le mouvement compte sur les sénateurs
Seule proposition sur la table pour l’heure, la piste d’une hausse de la TVA à taux réduit dont bénéficie le secteur HLM. Une solution à laquelle le ministre de la Cohésion des territoires s’est dit "personnellement très favorable" lors des débats à l’Assemblée. "Afin de faciliter les choses, le gouvernement se montrera tout à fait ouvert à l’utilisation de la TVA qui constituera aussi un moyen de financement important, de l’ordre, d’après nos calculs, de 800 M€", a-t-il fait savoir. Le mouvement HLM compte désormais sur "la sagesse des sénateurs", qui débattront des crédits Logement le 24 novembre. Au Sénat, un groupe transpartisan a été mis en place, réunissant les parlementaires spécialistes du sujet, et Gérard Larcher, président (LR) de la Haute Assemblée, a fait savoir qu’il avait demandé au président de la République l’instauration d’une "espèce de conférence de consensus" en amont de la future loi logement.