Comment "accélérer la reconversion d’actifs en situation de vacance structurelle" en Ile-de-France ? C’est la question à laquelle tente de répondre l’Observatoire régional de l’immobilier d’entreprise (Orie), qui a présenté, le 10 juillet à l’occasion d’une table-ronde, ses préconisations à l’adresse des pouvoirs publics, alors que la part des actifs vides depuis plus de quatre ans a doublé dans le volume de surfaces vacantes dans la région. Les réponses dépendent des conditions financières, techniques et juridiques, préviennent les foncières présentes, mais surtout, de l’actif lui-même et de ses caractéristiques.
932 000 m2 de bureaux sont en situation de vacance structurelle – c’est à dire vides depuis plus de quatre ans – en Ile-de-France en 2017. Cela représente 31 % du volume total de surfaces vacantes. C’est aussi près du double, en pourcentage, de la situation en 2012. Un constat qui inquiète l’Orie, qui a présenté, le 10 juillet, ses pistes pour "accélérer la reconversion d’actifs en situation de vacances structurelle".
Pourquoi de plus en plus d’actifs tertiaires se retrouvent durablement vides dans la région la plus dynamique de France ? Dominique Ozanne, dg délégué de Covivio (ex-Foncière des régions), l’explique par "l’appétence exceptionnelle pour le neuf et le rénové" et "l’intolérance à la non-qualité" des lieux de travail. En cause notamment : les moyens mis en place au sein des entreprises pour que les salariés fassent remonter leurs doléances. "Cela accélère indéniablement la décision de travaux", estime-t-il. "Il y a deux marchés du bureau distincts : le neuf et l’ancien", abonde Joachim Azan, président de Novaxia. Et si les bureaux neufs représentent 15 à 20 % de l’offre, ils comptent pour 75 % de la demande. Et dans l’ancien, les bureaux considérés comme obsolètes ne trouvent durablement pas preneur.
Cette obsolescence est de plusieurs natures, précise Joachim Azan. "Obsolescence ne veut pas dire vétusté. Cela veut juste dire que le produit n’est plus adapté au marché". Elle peut être architecturale, avec un immeuble qui ne plaît plus, sociologique, avec un intérieur plus adapté aux façons de travailler actuelles, réglementaire (en matière thermique ou énergétique), ou enfin "territoriale, lorsque le marché considère qu’un lieu n’est plus aussi attractif pour les bureaux".
C’est ce dernier cas qui préoccupe Laurent Girometti, dg d’Epamarne, l’établissement public d’aménagement de Marne-la-Vallée, qui concentre 1,9 million de m2 de bureaux. "33 000 m2 nouveaux sont prévus d’ici 2020, mais ils seront polarisés autour des projets de transport (gares du Grand Paris Express en tête) ; sur le reste du territoire, l’obsolescence guette". C’est donc "la combinaison de l’appétence pour le neuf et de l’amélioration de la desserte" qui va "vider certains actifs".
La loi Elan à la rescousse ?
La solution semble donc, pour ces centaines de milliers de mètres carrés franciliens qui ont perdu toute attractivité, la reconversion. L’Orie l’assure, la transformation en logement reste la piste première, même s’il existe "trois types de contraintes", détaille Christine Turquet de Beauregard, administratrice de l’observatoire. Financières, techniques et juridiques, ces trois contraintes sont mêlées et rendent "difficile" l’aboutissement des projets. Ainsi, l’équilibre financier est impacté par la technique (profondeur de trame, hauteur sous plafond…), tout comme les obligations de quotas de logements sociaux, qui alourdissent les bilans. Cette dernière contrainte, les acteurs présents espèrent la voir supprimée dans la version définitive de la loi Elan, en discussion au Parlement.
L’observatoire fait d’autres préconisations. En matière fiscale, il demande le gel des taxes dès la déclaration d’ouverture de chantier ; un taux réduit de taxe sur les plus-values de cession ; une exonération des droits d’enregistrement pendant cinq ans lors d’une transformation en logements intermédiaires. Sur le plan des documents d’urbanisme, l’Orie préconise le remplacement du permis de construire par la déclaration préalable pour les opérations de moins de 5 000 m2 et une dérogation aux obligations de construire des places de stationnement lorsque l’actif se situe près de transports en communs lourds. Enfin, il suggère la création d’un fonds d’investissement spécifique pour porter la mutation des actifs les plus en difficulté.
Faire du cas par cas
Il n’en demeure pas moins que la transformation des bureaux en logements "n’est pas possible partout". A part dans le QCA, où "c’est facile car le bâti haussmannien était fait pour le logement au départ", et où la demande est très forte, il peut être nécessaire d’envisager d’autres formes de reconversion. La résidence étudiante, dont les besoins "vont augmenter fortement", semble adaptée à la trame "des bureaux des années 1970". Les actifs "santé-seniors" sont une autre piste. Enfin, les besoins en hôtellerie vont également augmenter en Ile-de-France, à l’occasion notamment des Jeux olympiques.
"C’est l’immeuble qui détermine ce qu’il va devenir. En tant qu’investisseur il faut être souple !" estime Joachim Azan. Novaxia, qui a livré, en 2016, un actif dans le 14e arrondissement de la capitale, transformé en logements, "ne l’aurait pas fait en grande couronne : l’actif était trop cher à l’achat". Covivio, qui détient de nombreux actifs dans la région, "a décidé, après avoir envisagé la transformation de deux immeubles de bureaux en hôtels, de les vendre en l’état, car c’était plus rentable", explique Dominique Ozanne. Raison invoquée : la demande pour construire des hôtels est forte en ce moment. A Milan et Munich en revanche, Covivio a trouvé son modèle économique et la conversion en hôtel sera menée à bien. Et les acteurs de conclure à l’unisson : "il faut faire du cas par cas".