Le Pavillon de l’Arsenal propose, au travers de soixante-dix projets, une lecture du développement architectural et urbain de la métropole parisienne, son histoire et son actualité, sous le prisme de l’évolution de l’architecture nippone. L’exposition "Architectures japonaises à Paris, 1867–2017", inaugurée le 27 juin, durera jusqu’au 27 septembre prochain. L’occasion de comprendre le dialogue engagé depuis 150 ans entre nos deux cultures. Fujishima Takeji, Tsuguharu Foujita, Kuroda Seiki, Taro Okamoto, ou Jumpei Nakamura, premier architecte japonais diplômé de l’Ecole nationale supérieure des beaux-arts de Paris… L’exposition dresse aussi le portrait des artistes venus s’émanciper auprès des architectes français, et surtout de ce qu’ils ont laissé – et laissent encore – dans la manière de faire la ville.
"Une dizaine de projets majeurs sont en cours de réalisation ou ont été récemment livrés dans la métropole parisienne", introduit Alexandre Labasse, directeur général du Pavillon de l’Arsenal, comme pour légitimer la tenue de la manifestation. De la Samaritaine (Sanaa) au projet Mille arbres (Sou Fujimoto), jusqu’à la Collection Pinault – Paris dans la Bourse de Commerce (Tadao Ando) ou la future gare Saint-Denis Pleyel (Kengo Kuma)… Dès 2018, plusieurs œuvres japonaises significatives accompagneront ainsi la mue de la capitale et de son agglomération. Elles contribueront "à façonner Paris mais aussi le Grand Paris par des projets qui répondent avec force à mes priorités : réintroduire dans le bâti de la légèreté, de la fluidité et de l’ouverture ; réinscrire la nature au cœur du tissu urbain ; s’adapter aux besoins des citoyens et aux transformations de leur mode de vie en valorisant la mixité des fonctions, la souplesse des usages et l’impératif écologique", souligne Anne Hidalgo, maire (PS) de Paris.
L’expérience du fait métropolitain
L’inventaire, organisé par ordre chronologique, revient d’abord sur les prémices de ces échanges franco-japonais culturels et artistiques qui ont démarré avec "les constructions temporaires nationales réalisées à l’occasion des expositions internationales parisiennes de la fin du 19e siècle", expliquent les organisateurs. Echanges qui s’intensifieront peu avant les années 1930 "avec l’arrivée des architectes Kunio Maekawa et Junzo Sakakura, venus découvrir la modernité auprès de Le Corbusier". Rue de Sèvres, dans l’atelier de l’architecte, les collaborations fructueuses se multiplient, avec Charlotte Perriand notamment. En 1937, Junzo Sakakura livrera la première architecture japonaise de l’ère moderne à Paris : le pavillon du Japon à l’Exposition internationale des Arts et des techniques. Aujourd’hui, d’autres binômes se forment : Shigeru Ban avec Jean de Gastines, Sou Fujimoto avec Laisné Roussel et OXO Architectes, Sanaa avec Extra Muros ou Groupe-6…
Une large partie de l’exposition est consacrée au Mouvement métaboliste, qui, à partir des années 1960, marqua l’émancipation du style japonnais "comme un refus d’un style international", explique Andreas Kofler, architecte et commissaire de la manifestation. C’est ainsi que les démarches innovantes et les typologies singulières nippones rythmeront les nombreux concours de l’époque : l’Opéra Bastille (Kisho Kurokawa), la Bibliothèque nationale de France (Fumihiko Maki), la Grande Arche de La Défense (Kiyonori Kikutake), les Halles (Hiroshi Hara)… "Pour la transformation de la Villette, un projet sur dix était japonais", rappelle Andreas Kofler. Si aucun des projets ne remporte de consultation, le style organique et résilient des architectes japonais, par ses formes et ses matières, marque les esprits. "Les premières grandes réalisations architecturales japonaises à Paris – le Grand Ecran de Kenzo Tange, la tour Pacific de Kisho Kurokawa et l’espace de méditation de l’Unesco de Tadao Ando – devront attendre le début des années 1990 et l’intérêt du très nippophile Jacques Chirac", alors maire de la capitale.
"La fréquence des réalisations nippones à Paris ne cesse de s’accélérer, passant de trois bâtiments par décennie dans les années 1990, à au moins un bâtiment par an dans les années 2010".
Car à l’heure du Grand Paris, "le regard métropolitain des architectes japonais est particulièrement sollicité", "non pour reproduire Tokyo", mais pour "injecter de nouveaux rapports entre les mouvements de la métropole et la prolifération des espaces publics, de ses lieux de consommation, de ses services, de ses entreprises, de ses plaisirs…". Au-delà des projets prestigieux comme la Samaritaine, "les architectes japonais participent à la mutation urbaine". L’une des futures gares emblématiques du Grand Paris Express, Saint-Denis Pleyel, en est une parfaite illustration. Kengo Kuma explique avoir conçu cette gare "autour d’un grand vide, point de passage pour la lumière naturelle", mais aussi : "ce quartier a besoin d’espaces publics" ; trois seront ainsi créés. Pour le Learning center de Paris Saclay, Sou Fujimoto entend laisser la nature du parc linéaire voisin envahir le bâtiment.