Qu’est-ce que l’identité urbaine méditerranéenne ? "Un rapport entre l’intérieur et l’extérieur, et une certaine valeur ajoutée autour de l’usage d’espaces communs", selon Laurent Villaret, président de la FPI Occitanie Méditerranée, l’un des intervenants de la séance plénière du Forum des projets urbains de la Méditerranée (FPU Med). Pour sa troisième édition, la manifestation (organisée par le groupe Innovapresse, éditeur d’Urbapress), s’est tenue à l’hôtel de ville de Montpellier, le 28 septembre. 250 personnes – élus, aménageurs, promoteurs, urbanistes, architectes, etc. – ont partagé, le temps d’une journée, leurs expériences de conduite de projets. L’occasion aussi de rendre compte – à travers quinze opérations en cours de réalisation – des spécificités du pourtour méditerranéen : ses espaces paysagers comme pièces majeures des stratégies urbaines, son climat, garant d’une particulière douceur de vivre, mais également source de contraintes, ou son rapport à l’espace public, qui n’échappe pas aux bouleversantes nouvelles technologies. Focus.
Que signifie ce terme, "aimable", souvent employé pour décrire la ville de Méditerranée ? "Une façon d’inverser le regard", résume Christophe Pérez, dg de Serm/SA3M, en séance plénière. Pour celle ou celui qui l’habite, la ville doit être accueillante, productive, "offrir cette mixité fonctionnelle qui préserve l’environnement", loger tout le monde, favoriser les mobilités douces… Mais aussi "répondre aux attentes d’aujourd’hui et aux besoins de demain". A ce titre, les nouvelles technologies bouleversent la donne, jusqu’à "renforcer la place de l’espace public, lieu de rencontres spontanées ou de nouvelles communautés choisies", estime Elodie Nourrigat, architecte, professeure à l’Ecole d’architecture de Montpellier et présidente d’AMO Occitanie Méditerranée. Dans la ville intelligente, la cellule d’habitation se réduit également au profit des espaces communs moyennant une protection de l’intime. Et la ville ne pourra être intelligente qu’en accordant la place qu’elle mérite à la nature, "au sens de biodiversité et non de jardin contemplatif". Et les habitants s’invitent dans la construction des projets urbains, supposant un "travail pédagogique nécessaire à l’émergence de cette compétence des usages". La métropolisation doit agréger tous ses enjeux en permettant "un équilibre nécessaire entre une métropole centre et un territoire distribué, où on ne parle plus de rural et d’urbain", d’après Elodie Nourrigat.
Montpellier, ville hôte, présente sa feuille de route :
Avec son plan "Montpellier territoires, Métropole productive", socle du nouveau Scot, Montpellier Méditerranée Métropole (3M) anticipe l’aménagement de son territoire sur les 40 ans à venir. Comme l’a rappelé Philippe Saurel, maire et président (DVG) de la métropole : "il faut que toutes nos fonctions vitales puissent s’insérer dans ce paysage remarquable, entre Cévennes et Méditerranée, assurer la croissance et le développement économique de Montpellier, métropole la plus attractive de France, préserver le territoire des risques élevés d’incendies et d’inondations, valoriser les espaces agricoles et naturels en limitant le développement urbain à un tiers du territoire…". Autant d’axes qui guident un aménagement durable, nécessitant de redensifier l’existant. Mais aussi de diversifier le tissu économique et de favoriser la mobilité pour tous. "45 % de la population habite à moins de 500 m du tram mais moins de 10 % l’utilise. Par ailleurs, Montpellier concentre 71 % des emplois et 61 % de la population", explique François Leclercq, architecte-urbaniste, qui a travaillé sur la révision du Scot métropolitain. Trois projets illustrent ces ambitions (cf. Cambacérès, Le Coteau, EAI).
Muer
Un écoquartier à Euroméditerranée. Les Fabriques, quartier qui s’élèvera en promontoire sur le port de Marseille, vise à accueillir des actifs connectés et impliqués dans l’économie collaborative. Projet qui permettra aussi un changement d’image radical au sein d’Euroméditerranée, à l’héritage industriel marqué. "Ce quartier, qui illustre la notion de 'ville productive’ veut être une des futures centralités du grand centre-ville. Il prend place sur un site très compliqué, mais avec beaucoup de potentiel", résume Simon d’Annunzio, directeur de projet de Linkcity Méditerranée. Le territoire est assez peu identifié par les Marseillais, hormis pour son immense marché aux puces du dimanche. Il est aussi la porte d’entrée nord du centre-ville de Marseille, perturbé par des infrastructures importantes et des dysfonctionnements urbains importants.
Cambacérès, vitrine de Montpellier, hyper-connectée. Situé entre l’A9 et l’A709, près de la nouvelle gare TGV et la future ligne du tram, mais protégé par un épais bâti protecteur, "Cambacérès sera le quartier des jeunes et du 21e siècle, une nouvelle entrée de ville moderne et numérique", annonce Christophe Pérez, dg de Serm/SA3, aménageur de ces 350 ha. Au bâtiment de la French Tech et au château de la Mogère, s’agrégeront 2 500 logements mixtes, 130 000 m2 dédiés aux bureaux et aux établissements d’enseignement supérieur et un parc de 30 ha, sportif (futur stade Nicollin) et à vocation hydraulique. "Ce quartier se veut aussi un lieu de rencontres, intégrant les nouvelles façons de collaborer et une vitrine résiliente", précise Antoine Chaudemanche (architecte, XDGA).
L’EAI de Montpellier, cité créative sur friche. La métropole de Montpellier dédie un écosystème aux Industries culturelles et créatives (ICC) sur le site de l’ancienne Ecole d’application d’infanterie, en centre-ville. "Nous abordons le site par le déjà là, en composant avec le bâti militaire et l’atmosphère des faubourgs, aux densités et hauteurs assez limitées, aux espaces publics intimistes, et à la douceur de vivre méditerranéenne", détaille l’architecte Marine Manchon. Au nord : un quartier multifonctions où se côtoieront un campus à rayonnement international, des incubateurs, des bureaux et des tiers-lieux, des logements (en réhabilitation ou construction), des commerces, des équipements publics… Au sud, un parc existant de 20 ha qui a su trouver son public depuis sa récente ouverture.
Port-Barcarès : la nouvelle ville-port. Créer un nouveau cœur de ville sur 50 ha répartis entre espace terrestre et bassin portuaire, et répondant aux exigences d’un écoquartier et d’un smart port. Tel est le projet de la ville du Barcarès. "Il s’agit d’imaginer la station balnéaire de demain, dans une logique de résidentialisation et de redéfinition de son image", souligne Renaud Tarrazi, urbaniste (MAp Architecture). 500 anneaux supplémentaires, un avant-port, un aquaduc, une offre immobilière mixte, des services et des espaces verts doivent y contribuer. Le tout s’appuie sur une Semop, outil novateur qui permet à la municipalité de garder un rôle décisionnaire majeur au sein d’un partenariat public-privé (NGE et Vinci Construction France).
Toulon : un quartier de la créativité et de la connaissance en lieu et place de l’hôpital Chalucet. "L’enjeu consiste à reconstruire la ville sur la ville", résume Véronique Havet, à la communauté d’agglomération Toulon Provence Méditerranée, qui pilote l’opération. Le programme de 15 500 m2 de plancher prévoit cinq nouveaux bâtiments dont l’Ecole supérieure d’art et de design TPM, ainsi que des logements. "Notre grand challenge a été de créer du néo-contemporain à la jonction des trames haussmannienne et 20e siècle, d’ouvrir l’espace clôturé de l’hôpital et de restructurer le jardin Alexandre 1er pour conquérir l’îlot par une coulée verte connectée à tous les équipements", détaille l’architecte Pascal Laporte (Corinne Vezzoni et associés).
Humaniser
Joia Méridia, un nouveau centre urbain à Nice. Dans la plaine du Var, le futur quartier Joia Méridia doit devenir une nouvelle centralité. Ce projet mixte, à dominante résidentielle, s’insère dans la nouvelle technopole urbaine, Nice Méridia, dédiée à l’industrie des écotechnologies. "Ce quartier, qui aura une forte identité, vise à régénérer tout le territoire de l’Ecovallée par la restructuration d’une partie dégradée de la plaine", résume Marc Ben Embarek, directeur des projets d’EPA Nice Ecovallée. Un projet typiquement méditerranéen qui accordera une place importante aux espaces publics et verts, et aux lieux de rencontres, tels que la vaste place autour de laquelle seront construits les immeubles, dont une tour de l’architecte japonais, Sou Foujimoto.
Grau-du-Roi : un éco-quartier très méditerranéen. Seule ville maritime du Gard, le Grau-du-Roi lance un projet d’écoquartier méditerranéen sur le dernier terrain urbanisable. Une friche de 7 hectares en proximité directe du centre-ville, contrainte par le risque d’inondation. L’écoquartier aura des connexions avec le village de pêcheurs construit de part et d’autre d’un canal, et avec les extensions urbaines développées depuis les années 60, qui fonctionnent comme des enclaves. Le projet traite aussi de la requalification du centre historique et des grandes infrastructures (ferroviaire, routière, parkings…) qui blessent un environnement cerné par la mer, des étangs et un canal. "Le maillage à créer est complexe et il faut envisager un réseau efficace de gestion des eaux pluviales dans toute la ville", précise Joan Busquets, architecte urbaniste.
Marseille / Bandol : valorisation temporaire de biens vacants. Trouver des résidents temporaires pour éviter les squats de bureaux ou de locaux vacants. C’est le service que Camelot Europe, gestionnaire de biens immobiliers vacants, propose aux propriétaires privés et publics. "Nous amenons une solution de protection par occupation", résume Corentin Pinier, business développement manager du groupe. Une manière de recréer des lieux de vie moyennant un loyer très modeste. "On arrive à proposer des espaces de 70, 80 ou 100 m2 pour 200 € par mois à des résidents temporaires – professions libérales, artistes, start-up, associations…". Le dispositif a été mis en place à Marseille (14e), avec l’EPF Paca, dans une ancienne charcuterie industrielle, par exemple, où sont logés cinq résidents. Et à Bandol, dans un hôtel désaffecté du centre-ville, qui accueille des saisonniers.
Place à la campagne, ZAC du Coteau, au nord-ouest de Montpellier. 1 600 logements vont sortir de terre d’ici 2020, à la jonction de plusieurs polarités existantes. Quartier paysager, "la ZAC du Coteau accorde une place primordiale à la trame piétonne, au style de vie méditerranéen et à une mixité systématique à l’échelle d’îlots très fins", dévoile Magali Volkwein (architecte D & A). Entre maisons et petits collectifs, "nous allons préserver les caractéristiques rurales du site en conservant les chemins et en utilisant la pente pour créer des cônes de vue". Autre particularité du projet : une ferme permacole aménagée sur 1,5 ha. "Car ce quartier de vie s’inscrit aussi dans la préservation des espaces agro-naturels et le réseau foodtech", rappelle Chantal Marion, vice-présidente déléguée au développement économique et à l’urbanisme.
Pour un urbanisme vert, créateur de lien social à Morières-les-Avignon. Dans le cadre d’une concession d’aménagement, l’opération "Les Oliviers" répond à un double objectif : "créer un écoquartier offrant 40 % de locatifs sociaux et 20 % d’accession sociale et qualifier l’entrée nord de la ville", explique Joël Granier, maire (PS) de cette commune du Vaucluse. Sur 4,5 ha, "la principale difficulté a été de s’adapter aux contraintes du site, exposé au vent et bordé par un centre commercial, une usine de concassage de matériaux et plusieurs infrastructures routières", explique l’architecte Jérôme Siame, qui a affiné le projet avec le bailleur Grand Delta Habitat. Protégé par un mur-rempart et débarrassé de l’automobile (stationnement enfoui), le quartier est découpé en trois séquences (jardins familiaux, patio et mail) "qui organisent le bien vivre ensemble".
Œuvre d’art résidentielle à Clapiers. Né du mariage entre Icade et Poste Immo, le promoteur Arkadéa a lancé son premier programme à Clapiers, "Les Impressionnistes", inspiré d’une toile du peintre Frédéric Bazille. Au crayon, Philippe Rubio a conçu trois bâtiments en R+1 avec parking effacé en sous-sol et jardins généreux. L’ensemble résidentiel se veut 100 % connecté et développe de nouveaux services de proximité. "Nous essayons de faire vivre notre immobilier dans la durée et de réfléchir aux usages du futur", pointe Pierre Bressollette, directeur exécutif d’Arkadea.
Décloisonner
Marseille : Univ’R Longchamp recrée un morceau de ville. En plein cœur de Marseille, ce projet d’envergure lancé en 2007 a réintroduit dans le maillage urbain un site historique, à l’abandon, fermé à la ville et à la circulation des habitants. L’enjeu, inscrit dans la politique de reconquête du centre-ville, était de décloisonner un vaste espace vert en friche, pour y créer un morceau de ville, intergénérationnel. En faire un parc habité, doté de tous les équipements et services de proximité. "Ce n’est pas une juxtaposition d’immeubles de logements mais un vrai lieu de vie et de passages vers la ville", résume Florent Pons, directeur des programmes d’Eiffage. "La disposition urbaine, très atypique ici, a aussi été dictée par la topographie très marquée de ce site en forme d’oppidum".
Avignon désenclave le quartier prioritaire de Saint-Chamand. Quartier prioritaire d’habitat collectif, Saint-Chamand s’inscrit dans le NPNRU 2018–2028. "Ce quartier très enclavé, qui concerne un quart des Avignonnais, est très à l’écart de toutes les dynamiques à l’œuvre en centre-ville", résume Cécile Helle, maire (PS) d’Avignon. "Le projet urbain à multiples dimensions va permettre de diversifier l’habitat dans un secteur quasi uniquement fait de logements sociaux, et de l’ouvrir vers le centre-ville et les nouveaux quartiers".
♦♦♦ Alger veut s’ouvrir au monde. La capitale algérienne, invitée d’honneur, veut devenir une ville monde. Elle a élaboré un Plan directeur d’aménagement et d’urbanisme pour les 20 ans à venir, qui va lui permettre de désengorger sa partie centrale et de reconquérir la mer. L’aménagement de la baie d’Alger est la vitrine de son renouveau. "La population a été multipliée par dix en 50 ans, le nombre de voitures par deux en dix ans, le centre est totalement congestionné et coupé du port", résume Mohamed Yazid, dg de l’urbanisme de la wilaya d’Alger. Les défis sont nombreux en termes d’équipements publics à créer, d’écologie (pollution de l’air, traitement des eaux usées…), de mobilité, mais aussi de sauvegarde du patrimoine ou de cohésion sociale entre les quartiers.
► Retrouvez les opérations en détails dans le Guide des projets urbains de la Méditerranée, disponible sur www.innovapresse.com