Eric Bazard (Club Ville Aménagement) : "la manière de faire la ville sera impactée par cet épisode"

Stratégies urbaines
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Quelles conséquences de la crise sanitaire sur l’activité et les pratiques du secteur de l’aménagement ? Le point de vue d’Éric Bazard, directeur général de la SPL des Deux-Rives à Strasbourg et président du Club Ville Aménagement.

Après une semaine de confinement, comment êtes-vous organisés dans votre société ?
Nous sommes 17 sur 23 en télétravail. Nous n’étions pas vraiment préparés mais nos plus jeunes collègues ont trouvé les bonnes applications pour nous organiser. Cela dit, tout prend beaucoup plus de temps. En premier lieu, il s’agit d’assurer la continuité du paiement des salaires et des factures. Nous essayons également de continuer à faire travailler nos prestataires, du moins ceux qui le peuvent, nos graphistes notamment. Nous étions en train de reformater notre site Internet, nous allons y consacrer plus de temps. Malheureusement, cela risque de ne pas suffire pour éviter à de petites structures de connaître de graves difficultés, je pense notamment à nos maîtres d’œuvre. Enfin, nous réfléchissons déjà à la manière de faire quand le confinement prendra fin pour assurer une reprise à un rythme soutenu.

Concrètement, comment les opérations d’aménagement peuvent-elles continuer à avancer durant la crise sanitaire ?
En ce qui concerne les chantiers, la plupart des entreprises les ont stoppés, y compris dans les travaux publics, afin, j’imagine, de préserver la santé de leurs collaborateurs. Sur Strasbourg, seuls deux de nos chantiers se poursuivent : l’un concerne notre plateforme de traitement des sols qui n’emploie qu’un ou deux ouvriers seuls dans leurs engins, l’autre est celui de la réhabilitation des anciens bains municipaux, sur lequel des ouvriers d’une entreprise spécialisée sont masqués et en combinaison car ils manipulent des produits dangereux. Il semblerait qu’il y ait un petit frémissement de reprise dans les travaux publics mais une fois encore, il en va de la responsabilité de chaque chef d’entreprise. Sinon, ce qui avance c’est toute la partie administrative, les compte-rendus d’activité, la comptabilité… Mais il est clair que notre cœur de métier, à savoir construire des morceaux de ville, est quasiment à l’arrêt. Même la réflexion stratégique va au ralenti. Un projet, ça se partage. On peut utiliser un peu la visioconférence mais cela ne suffit pas.
En ce qui concerne le Club Ville Aménagement, nous sommes sur du temps long, donc les différents groupes de travail vont poursuivre leur réflexion. Ça ne s’arrête pas. Si le confinement se prolonge, on va même avoir un peu plus de temps à y consacrer. Mais le contexte est tellement particulier… La question du moment c’est la crise sanitaire. Et il ne fait pas de doute que la manière de faire la ville demain sera fortement impactée par cet épisode.

Qu’attendez-vous de la loi du 23 mars déclarant l’état d’urgence sanitaire ?
Si j’ai bien compris, cette loi autorise le gouvernement à procéder par ordonnance sur des sujets prédéfinis, c’est une forme d’accord-cadre en quelque sorte. J’ai le sentiment que cela va permettre de clarifier les choses petit à petit. Pour nous, il y a la question de la relance des appels d’offres en marché public qui va rapidement se poser. Tout cela est très codifié. Peut-être pourrait-on pour un temps simplifier les procédures en redescendant tout d’un cran ? C’est une suggestion. Il y a aussi la question de nos engagements contractuels. Va-t-on vers une ordonnance qui prolonge les délais ? Et puis, bien sûr, il y a les élections municipales, la mise en place d’une nouvelle gouvernance, ce qui prend du temps. Si le second tour a lieu en juin comme évoqué, il va falloir nous pencher sur notre organisation cet été, lorsque les choses seront revenues à la normale, en intégrant ce nouveau calendrier et le fait aussi qu’en sortant d’une période aussi anxiogène, les gens auront besoin de prendre un peu l’air.

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