"L’aménagement de la ZAC du Triangle de Gonesse ne répond pas aux trois piliers fondamentaux d’un développement durable". Dans son rapport d’enquête publique (29 mai – 30 juin 2017) relatif à la révision générale du Plan local d’urbanisme de la ville de Gonesse (95), publié le 24 août, Ronan Hébert, commissaire enquêteur, accable la programmation urbaine envisagée sur 300 des 700 hectares du Triangle, et sa pierre angulaire, le projet Europacity.
Europacity, porté par Alliages & Territoires, filiale d’Immochan, et un groupe chinois (Wanda), vise à transformer en zone commerciale et de loisirs 80 hectares de la ZAC du Triangle de Gonesse (300 ha). Le projet d’aménagement de ce secteur a donné lieu à un avis défavorable de la part du commissaire-enquêteur. D’après lui, les opérations envisagées sur le Triangle sont "incompatibles avec le pilier environnemental par leurs impacts sur le changement climatique, la destruction de ressources et l’atteinte à la biodiversité". D’un point de vue social, là encore, le projet ne convainc pas : "l’insertion envisagée n’est pas suffisamment argumentée et même remise en question. Les objectifs en matière d’emploi sont peu en phase avec le niveau de formation local. Par ailleurs, un transfert d’emplois impliquant la destruction d’autres sur les territoires voisins n’est pas compatible avec un développement équitable". En outre, "la création d’emplois et de richesses annoncée est mise à mal par les études extérieures. Elle pourrait se faire au détriment des activités présentes sur les territoires voisins, avec potentiellement la création de friches commerciales et tertiaires".
Rappelons que les OAP (Orientations d’aménagement et de programmation) du Triangle de Gonesse prévoient la création de 800 000 m2 de bureaux (soit environ 20 % de la surface totale de La Défense, peut-on lire dans le rapport). Un dimensionnement dont la légitimité mériterait d’être argumentée davantage selon le grand public. Tandis que pour la Ville de Gonesse, il s’agit "de profiter d’un territoire stratégique inséré entre deux aéroports" sans concurrencer les autres projets (comme Aérolians notamment). "Je constate que la notion de concurrence entre les projets n’est pas perçue de la même façon par tous les acteurs", remarque Ronan Hébert.
La légitimité d’Europacity et de son offre de loisirs est également remis en cause par le public, "l’offre existante étant considérée comme suffisante" (cf. Disneyland Paris et le parc Astérix qui se situent dans la même zone géographique). "Un nouveau parc de loisirs est considéré comme inutile". Remarque appuyée par le commissaire enquêteur qui soulève un autre point, non négligeable : "le groupe Wanda (…) affiche clairement sa volonté de concurrencer Disney en Chine. Il serait surprenant que sa politique soit différente à l’export, surtout en étant si proche de sa cible de référence".
Le volet commercial d’Europacity n’échappe pas non plus aux critiques. Situé dans un "secteur déjà largement doté en surfaces commerciales", le risque de cannibalisation des commerces de centres-villes et ceux des centres commerciaux de proximité a été soulevé.
Ronan Hébert rappelle également que "les acteurs économiques du territoire du Grand Roissy sont partagés" sur le projet d’Immochan. A l’image de la programmation prévue dans la ZAC, il "ne semble pas co-construit avec les différents acteurs territoriaux du Grand Roissy parmi lesquels il ne fait pas l’unanimité".
Si le développement économique de Gonesse, porté par l’aménagement envisagé dans la ZAC, "est souhaitable et justifié", selon le commissaire-enquêteur, il implique une diminution de la consommation de terres agricoles, une prise en compte des enjeux économiques et sociaux des territoires voisins ainsi qu’une plus grande réflexion sur la meilleur façon d’intégrer les zones d’activités actuelles "qui nécessitent une rénovation / redynamisation / densification / transition pour redevenir attractives et ne pas risquer de devenir des friches". Enfin, selon Ronan Hébert, le projet Europacity et ses enjeux dépassent la seule échelle de la ville de Gonesse et "relèvent plus probablement d’un Plan local d’urbanisme intercommunal".
Un revers pour Alliages & Territoires, qui rappelle, dans un communiqué de presse, le 29 août, que "c’est l’opération d’aménagement du Triangle de Gonesse qui concentre les remarques car elle vise à urbaniser une zone aujourd’hui à vocation agricole". Le maître d’ouvrage a réaffirmé, dans la foulée, sa "totale mobilisation pour qu’Europacity voie le jour en 2024". La Ville de Gonesse doit fournir sa réponse dans les prochains jours. Alliages & Territoires "lui apportera tous les éléments nécessaires". Notons, par ailleurs, que la concertation sur Europacity reprend ce mois-ci. A ce titre, la filiale d’Immochan regrette que le bilan des quatre mois de débat public ne figure pas dans le rapport de Ronan Hébert.